mardi 1 septembre 2015

MIROIR NOIR...

Mémoire noire...
(Miroir noir...)



















Je m’appelais Aram...
J’étais un enfant sage avec ses rires’, ses larmes.
J’habitais dans la Paix entre mes frères’, mes sœurs...
Nos parents nous aimaient, je crois, de tout leur cœur !
Du fond de leur pudeur, ils exprimaient leur Foi...
On vivait le bonheur à l’abri, sous leur toit.

Les gens habitaient là, tout près de la rivière
Et l’air était si pur et l’eau était si claire !
On s’y baignait nombreux, les vagues’ étaient si bleues
Ou cuivrées de soleil sous le ciel silencieux.
Tous les jours étaient calmes au cœur de la forêt
Qui nous confiait son âme où la nature chantait...

On rentrait pour manger des plats pleins de délices
Que maman préparait. On se sentait complices !
Maman nous avait dit que dans son ventre rond
La famille’ grandirait... pour bénir la maison !
On avait bien compris qu’on serait « un de plus »
A se mouiller dans l’herbe, après qu’il aurait plu !

C’était avant l’orage, avant la pluie de rage
Qui soudain est tombée parmi tous ces ravages !
On cherchait du courage en courant droit devant...
C’était comme un naufrage ! On cherchait nos parents !
J’entends encore’ maman pleurer entre les rires
Des soldats qui l’ont prise et qui l’ont fait souffrir !

J’étais juste caché, là-bas, derrière’ l’étable
Et je faisais le mort, allongé sur le sable,
Pas très loin des civils qu’on avait massacrés !
J’ai quitté mon repaire et j’ai rouvert les yeux
Après les dernières’ salves ou les tirs apaisés.
Plus tard j’ai vu mon père... et son corps supplicié !

C’est là que j’ai hurlé ! et les torrents de larmes
Que j’ai versés alors coulent encore’ dans mon âme !
J’ai vu les murs en ruine et les toits dévastés !
Le village incendié, des enfants mutilés !
Des rideaux de fumées sur du torchis brûlé
Et des lambeaux de chair sur le sol calciné ! 

Je n’ai pas vu s’éteindre’ le dernier des regards
Qui m’étaient familiers mais j’ai vu s’embraser
Ceux des « vampires cruels » qui ont meurtri nos vies,
Acharnés à tuer... sans répit ni merci !   
J’ai soufflé du silence’ pour étouffer mes cris...                         
Et l’enfant sage en moi a croisé la Folie ! 

Puis le soir est tombé, après la barbarie,
Les bourreaux repartis et la terreur enfuie...
Il restait la misère et la mer de douleur ;
Restaient l’instinct de guerre’, les rumeurs de malheur...
Moi j’étais orphelin et le seul rescapé
De ma famille entière... j’étais comme amputé !

Je m’appelais Aram...
J’ai marché si longtemps sous les volcans, sans bruit,
Pour ne pas y tomber... pour rester à l’abri...
Je m’appelais Aram...
J’ai le cœur plein d’espoir !
J’ai le cœur plein d’espoir...
Mais mon miroir est noir !

Plus un seul habitant ! non ! plus une âme’ qui bouge !
Par tout le sang versé, la rivière était rouge !
Et j’étais à côté... J’ai failli m’y jeter !
Sans rien pouvoir penser, j’étais désemparé
Lorsque j’ai pu lancer un appel au secours
Venu de mes entrailles ou de mon cœur très lourd !

Puisqu’aucune ONG n’a entendu ma plainte,
Alors j’ai dû marcher en affrontant mes craintes !
La forêt, le désert, j’ai cru les traverser
Lorsque des chameliers ont pu me relever.
La mer fut aussi bleue que mon passé trop loin
Quand j’ai pris ce bateau pour un destin lointain...

Il me restait si peu de monnaie dans la caisse
Que j’avais emportée mais j’avais ma « richesse » :
Toute l’ardeur de mon cœur et puis, tant de fureur !
Oui ! cette’ fureur de vivre et de vaincre ma peur
Pour que depuis le Ciel ma famille me voie fort
A travers mes efforts, la venger de sa mort !

La mort, je l’aurai vue souiller mon horizon
Sans vouloir lui donner un seul instant raison !
Sur des rafiots pourris qui repartaient à vide,
Bien sûr, j’étais livré à des passeurs avides !
J’ai résisté encore parmi tant de victimes
Noyées dans leur sillage ou broyées par leur crime :

On a croisé des coques’ et des corps échoués !
Enfin, j’ai rencontré toute une foule’ naufragée
Dans un camp de passage, entre des barbelés
Et des ombres éclatées, dans des centres’ isolés
Où j’ai dû partager trop de sanglots brisés
Contre des murs de fer, dans des prières’ brimées !

Je me suis échappé sans que je me retourne,
Vu qu’on ne sait jamais si c’est la chance’ qui tourne !
... ... ... On m’a cité mes droits en tant que réfugié...
Un statut accordé : « simple formalité ? »...
J’ai droit à des papiers, à une identité
Toute nouvelle et toute fraîche... A ma citoyenne’té !

Je suis chez moi, en France, et ma vie recommence ?!!!
Pourtant je n’oublie rien d’un million de souffrances !
Non !!! ni l’absence des miens perdus sur mon chemin,
La peur des lendemains, ni mes rêves’ incertains !
Et toutes ces vies ôtées, j’y repense’rai souvent :
Ma rivière’ « d’à côté »... mes frères’ et mes parents !

J’ai vu tant de tombeaux... des bombes’ et tant de flammes ;
Les couteaux des bouchers qui tranchent’ et qui condamnent !
Je n’étais qu’un enfant parmi des hommes’, des femmes...
Je me souviens de tout... des ventres qu’on affame
Et des tribus entières passées sous les machettes !
Des humains qu’on achète’, des gamins qu’on maltraite,
Entraînés à tirer
Sans faire aucun quartier !

Je m’appelais Aram...
J’ai marché si longtemps sous les volcans... sans bruit,
Pour ne pas réveiller la violence ennemie...
Je m’appelais Aram...
Et ma mémoire est noire !
Et ma mémoire est noire...
Mais mon cœur, plein d’espoir !

Je pourrais fondre en larmes et parfois ça m’arrive :
Je sombre et ça m’désarme ou bien ça me ravive !
Ça me soulage un peu mais ça ne change’ra rien !
Je peux faire’ des cauche’mars.que j’oublie le matin.
Je pense à ces gourous, ces guerres’ venues d’ailleurs
Qui ont volé ma terre ou violé son bonheur !


Je m’appelais Aram
Et j’ai vécu ce drame !
Mainte’nant je peux rêver
Si j’ai assez pleuré !

Mais ça, c’était avant
Ou dans une autre vie...
Car me voilà marchand
Dans les rues de Paris !

J’vends les bijoux « Armand »...
Je suis devenu grand ! 
Sans devenir un roi,
Je suis devenu... moi !

Et je vis mon histoire
Avec tell’ment d’espoirs !
Avec tell’ment d’espoirs,



Malgré mon miroir noir !


« J’ai gardé des remords... mais gagné à revivre ! »